''L'amour c'est pas censé faire mal''. Cinquième partie - La suite du patern de violence

Publié le par Pepper

Schéma du cycle de la violence conjugale

Schéma du cycle de la violence conjugale

Le bonheur a duré 3 mois. Puis, un soir, tu es rentrée du travail et en ouvrant la porte de l'appart, tu as tout de suite reconnu l'odeur de fond de tonne, caractéristique incontournable des beuveries de ton conjoint. Un mélange de fermentation, de vomi et de bière. Ton coeur se serre et tu as l'impression que tu vas vomir. Tu te forces cependant à afficher un sourire et une bonne humeur que tu ne ressens pas; ce n'est pas parce qu'il a bu quelques bières que tout va redevenir comme c'était avant ''l'incident''. Tu ne veux pas induire la colère de ton conjoint en te montrant rébarbative ou rien de ce genre. La peur au ventre, tu le rejoins au salon et il t'accueille avec une vraie face de boeuf. Il te répond à peine. Comme tu ne veux pas le pousser à petter sa coche, tu t'empresses d'aller préparer le souper. Quand tu l'avises que le souper est servi, il te réponds du salon qu'il n'a pas faim, et de lui apporter une bière froide à la place, ce que tu fais. Tu essaies ensuite de manger, mais rien ne veut rentrer. Tu ranges les restants dans le frigo et entreprends de faire la vaisselle. Vers 20hrs, tu as fait tout ce qu'il y avait à faire pour éviter que ton conjoint ne se fâche pour une raison ou une autre, et tu ne peux plus prétendre d'être occupée pour l'éviter. Tu vas donc le rejoindre dans le salon et tu t'assois sur le sofa à ses côtés en lui jetant un regard de biais pour essayer de jauger son état d'esprit... 

Comme il continue de regarder la télé et à boire comme si tu n'étais pas là, tu finis par lui demander comment a été sa journée. Il te répond encore à peine, alors tu ne veux pas insister, tu vas prendre ta douche et tu vas te coucher. Demain, ça ira sûrement mieux. Les jours qui suivent se révèlent être tout aussi désagréables et tu recommences à vivre avec cette peur au ventre qui te tourmente continuellement, cette sensation de toujours devoir marcher sur des oeufs. Deux semaines plus tard, ce qui devait arriver arriva: Tu t'es tannée de vivre cette situation, tu en as fait part clairement à ton conjoint et... Tu es cette nuit aux services des urgences à l'hôpital, des bleus partout et un bras fracturé. Tu refuses la suggestion du médecin d'aviser la police et de porter plainte; tu capotes, mais pas au point de causer des problèmes à ton conjoint. Plus que la douleur de tes blessures, c'est celle dans ton coeur qui te fais souffrir. Tu as mal, tout allait si bien! Tu lui faisais confiance! Comment a t'il pu te trahir ainsi? Que vas tu dire cette fois à tes amies et à ta famille? Ils vont dire que c'est de ta faute parce que tu es restée là après qu'il t'a battu la première fois... Tu te sens vraiment stupide. Comment te sortir de cette situation, de cette vie? Tu ne peux plus endurer de vivre comme ça, mais tu ne veux pas non plus incriminer ton conjoint auprès de ceux que tu aimes, tu ne veux pas créer de conflit. Après avoir fait plâtrer ton bras et parlé avec la travailleuse sociale de l'hôpital, tu appelles ton amie Alicia qui a toujours été là pour toi, et tu lui demandes si elle peut t'héberger le temps que tu te retournes de bord afin que tu puisses sortir de l'appart et éviter de prendre une autre volée. Elle accepte, et c'est chez elle que tu t'en vas pour le reste de la nuit. Le lendemain, sachant que ton conjoint est au travail, tu te rends à l'appart avec ton amie et son pickup et tu ramasse le peu qui t'appartient: des vêtements, ton chat, sa litière et ses bols de nourriture et d'eau. Tu ne veux pas le laisser à l'appart car tu es certaine que ton ''ex'' va le tuer quand il lira la lettre que tu lui as laissé sur la table de cuisine et dans laquelle tu lui annonces que tu romps. 

Le même soir, tu angoisse tellement que tu as peur de t'évanouir. Que va t'il penser, que va t'il faire quand il aura lu ta lettre?... Ton amie essaie de te calmer, de te rassurer et elle te suggère de consulter un organisme qui vient en aide aux femmes victimes de violence conjugale. Tu refuses net en disant que tu n'es pas une femme battue, que ce n'est qu'une mauvaise passe et que tu peux très bien t'en sortir par toi-même. Tu racontes par téléphone à tes parents que tu as eu un accident de voiture alors que tu étais passagère et que tu as eu une fracture du bras. Tu en profites pour leur annoncer mine de rien que tu as quitté ton conjoint parce que vous avez eu une dispute et que tu étais tannée de vivre ça alors tu as emménagé chez ton amie Alicia. Tu racontes la même chose à tes amies, et Alicia te regarde faire sans rien dire.

Deux jours plus tard, texto sur ton cell:

- (Lui)  ''Je peux pas vivre sans toi. Je m'excuse je suis vraiment un trou de cul...''

- (Lui)  ''Pardonne moi mon amour, tu es mon ange, je t'ai blessée, je vais m'en vouloir pour le reste de ma vie...''

Tu ignores les messages, mais tu n'arrêtes pas d'y penser. Tu les relis, ça occupe toutes tes pensées: 

- (Lui)  ''Je suis prêt à me mettre à genoux, permets moi au moins de venir te voir pour m'excuser, je mange plus, j'ai besoin de te parler...''

- (Lui)  ''Je suis désolé pour tout le mal que je t'ai fait, je peux pas vivre sans toi, adieu je t'aime...''

Ton sang se fige. Il ne va tout de même pas..... Ben là!! Sans même prendre le temps de réfléchir, tu lui réponds:

- (Toi) ''Ok, on peut se rencontrer au Tim mais seulement pour parler. Je ne veux pas revenir.'' 

- (Lui) ''Oui, juré, je ne te pousserai pas à revenir, je veux juste te parler...''

- (Lui) ''Merci d'accepter de me rencontrer, j'ai beaucoup réfléchi ces derniers jours et j'ai compris beaucoup de choses. J'ai hâte de te voir, un rayon de soleil perce mes nuages...''

Vous prenez rendez-vous pour le lendemain au Tim près de ton ancien appart. Tu ne dors pas ce soir là tellement tu anticipes, tellement tu réfléchis: ''Qu'est-ce qu'il veut me dire? Qu'est-ce qu'il a réalisé? Je veux pas retourner avec lui, mais s'il a besoin d'aide je ne peux pas juste lui tourner le dos! Tout le monde fait des erreurs, je pourrais rester amie avec lui et le supporter dans ses démarches?'' Étrangement, tu te sens fébrile. Depuis que tu l'as laissé, depuis que tu es partie de l'appart, tu ne vis pas, tu survis. Tu as tout le temps la sensation qu'il te manque un morceau, que tu n'es pas chez toi, tu te sens perdue dans ta vie, tu n'as plus aucun repère familier. De savoir que tu vas le revoir te procure un sentiment de confort (vraiment déplacé, tu en conviens considérant ce qu'il t'a fait subir)... ppfff, on verra demain. Puis tu t'endors.

De revoir son visage lorsque tu te pointes au rendez-vous te procure un sentiment de tristesse, de perte. Tu ne pourras plus jamais vivre en amoureux avec cet homme. Il est tellement beau!  Ben voyons!! Prends sur toi, rappelles toi ce qu'il t'a fait!!! Tu reprends le contrôle de tes émotions et tu t'assois en face de lui. Il t'accueille avec un sourire énorme, et te couve des yeux. Mais tu vois qu'il souffre intensément, qu'il est fragile, tout comme toi. Il te demande comment tu vas, s'excuse encore mille fois pour ce qu'il t'a fait puis t'annonce qu'il a décidé d'aller consulter pour régler ses problèmes d'agressivité, qu'il a perdu la plus merveilleuse des femmes qu'il a connu à cause de ses problèmes, qu'il a de la difficulté à vivre avec ce qu'il t'a fait, à vivre sans toi, qu'il veut absolument apprendre à gérer ses émotions de manière à ne plus jamais revivre une telle situation. Il commence ses rendez-vous demain à raison de deux fois par semaine. Tu es heureuse de voir qu'il se prends en mains et tu le lui dis. Tu décides aussi de souper avec lui ces deux soirs par semaine afin de le supporter dans ses démarches; après tout, vous avez vécu une relation très forte ensemble, alors tu ne peux juste lui tourner le dos et te foutre de lui et de ses efforts pour devenir une meilleure personne!

Tu ne travailleras pas pour les cinq prochaines semaines à cause de ton bras en écharpe, et une petite routine reprends forme. Le soir de son premier rendez-vous, toi et lui dînez ensemble comme convenu et la conversation est un peu formelle, mais somme toute très agréable. Il te fait part de ses sentiments pendant sa rencontre, te parle de différents événements survenus dans sa vie et qui l'ont forgé tel qu'il est. Il s'excuse encore pour le mal qu'il t'a fait, il semble si triste et abattu! Au fil des semaines, ta méfiance fonds comme neige au soleil; il est redevenu ce gars si charmant, touchant et attentionné qu'il était quand vous vous êtes rencontré. Vous continuez à vous voir ''en ami'' deux fois par semaine, il va à ses rendez-vous et au fil des soupers, son index et le tien se touchent quand vous vous passez des condiments, vous vous effleurez quand vous faites la vaisselle, vous vous textez plusieurs fois par jour... Tu recommences éventuellement à travailler, mais tu continues de souper avec lui deux fois par semaine. Graduellement, les soupers s'étendent en soirées. Vous parlez pendant des heures les jambes entrecroisées, assis chacun à une extrémité de la causeuse au salon. Pas une fois il a bu. Après trois mois de ces soirées, un soir, sans l'avoir prémédité, tu as perdu le contrôle et tu es restée pour la nuit. Quand tu te réveilles dans ton ancien lit le lendemain, OMG!!! Tu t'en veux, tu es mal à l'aise, il faut que tu partes!!! Lui est crampé de ta déconfiture, te sourit avec un air coquin et te crie qu'il va te texter plus tard pendant que tu te sauves de l'appart, l'oreiller encore étampée dans le visage et en panique parce que tu es retard pour le travail. Toute la journée, tu penses à cette nuit magique remplie de soupirs, de larmes et d'amour. Oui, d'amour. Tu ne peux t'en empêcher, surtout maintenant qu'il s'est replacé. Ça va être correct maintenant. Le lendemain, samedi, il vient de chercher en auto chez Alicia qui te regarde les sourcils froncés mettre ton baluchon dans la valise de l'auto. Tu t'en fou, personne ne peut te comprendre et de toute façon, elle te tapait déjà sur les nerfs Alicia avec ses regards désapprobateurs et ses longues harangues moralisatrices. Que va dire ta famille? Tu t'en fou. Tu es une adulte et tu sais ce que tu as à faire, ce qui est bon pour toi. Et tu as décidé de reprendre avec lui et de retourner vivre à ton appart. Il a maintenant de l'aide pour ne pas retomber dans ses habitudes violentes et avec de la bonne volonté et de l'amour, vous vaincrez ces problèmes puis tout cela sera derrière vous.........

Stop. Je t'arrête ici. Et malheureusement, j'ai de mauvaises nouvelles pour toi: Ça ne marchera pas. Ça ne marchera jamais. Ça ne va que continuer, la roue va toujours tourner, et à chaque nouveau cycle, ça va empirer. Tu ne me crois pas? Rendez-vous demain et je t'explique pourquoi.

- Pepper

 

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